On n'a pas le temps!
Ou de la gestion du temps à D&D
Du temps et de ses conséquences
Passage du temps
La gestion du temps est un élément important qui est malheureusement assez mal traité dans les règles et reste très abstrait. Suivre très précisément le passage du temps peut s’avérer très fastidieux, or certains effets, notamment des sorts, s’expriment en durée, et, dans les scénarios, il est souvent demandé de faire un jet toutes les X minutes sur des tables de rencontre.
Mais le principal problème est que les personnages peuvent prendre leur temps, ce qui mène à des utilisations parfois abusives des repos notamment, pour recharger des capacités. Ainsi, les personnages peuvent explorer une heure, se reposer une heure, explorer une heure, se reposer une heure… Rien ne l’empêche dans les règles et qui pourrait blâmer les joueurs d’agir de la sorte ? Or, dans le monde réel, ce fonctionnement est particulièrement irréaliste. Pourquoi ? Car nous avons tous des contraintes de temps qui font justement qu’on ne peut pas prendre le temps de se reposer toutes les cinq minutes pour « se recharger ».
Bien entendu des parades existent, comme jeter des monstres errants lors des repos des joueurs, mais cette solution peut apparaître comme punitive, « on n’a pas le droit de se reposer ? ». L’idée des règles ci-dessous est donc de modéliser le passage du temps pour que cette information soit visuelle, et plus uniquement abstraite, « cela fait à peu près une heure… », et que le temps qui passe ait des conséquences.
De l’unité de temps
Nous allons dans un premier temps nous attarder sur une des composantes principales de D&D et ses dérivés, l’exploration de Donjon. Pour simplifier les règles ci-dessous, nous allons considérer que l’unité de temps de référence = 10 minutes. Pour modéliser le temps qui passe, nous allons utiliser des jetons de différentes couleurs, chaque jeton représentant donc 10 minutes.
La réserve de temps
Chaque fois que le temps passe, on ajoute un jeton à la réserve de temps qui se trouve au centre de la table. La couleur du jeton dépendra du niveau d’alerte du donjon, dont nous parlerons plus loin. Lorsque le nombre de jetons dans la réserve atteint six, il s’est passé une heure. Il se passe alors quelque chose. Pour tenir compte du passage du temps, des effets liés (sorts, capacités…) et de l’utilisation de ressources (nourriture, sources de lumière…), vous pouvez pour chaque heure passée utiliser des jetons plus gros pour les comptabiliser.
Mais que faire en dix minutes ?
Les règles restent assez évasives sur le temps qu’il faut pour accomplir une action ou utiliser une compétence, sauf pour ce qui concerne le combat. L’objectif de ces règles est de faciliter la vie du MD et la fluidité du jeu, donc en 10 minutes vous pouvez :
- Passer d’une pièce à une autre. Cette activité comprend la préparation avant d’entrer dans la pièce, les jets de perception pour repérer quelque chose, les déplacements en silence,l’ouverture ou le crochetage d’une porte, l’entrée dans la nouvelle pièce, et les tests passifs éventuels donc nous reparlerons plus loin. Elle comprend aussi l’éventuel combat, souvent bref et violent, qui aura lieu dans cette nouvelle salle. Pour le MD, c’est simple, les personnages changent de pièce, alors on ajoute un jeton à la réserve de temps.
- Agir activement dans la pièce. Jusqu’à présent, les personnages n’ont pu utiliser que leurs compétences en mode passif. S’ils veulent engager d’autres actions, alors le temps passe et un jeton est ajouté à la réserve de temps. Les actions possibles sont par exemple fouiller l’endroit, feuilleter un livre, étudier une statue, chercher des pièges ou des passages secrets activement, effectuer un rituel… A chaque fois que les personnages s’engagent dans une activité qui prend du temps, alors vous ajoutez tout simplement un jeton à la réserve de temps.
Rappel : Un combat ne prend pas de temps ! Ne vous embêtez donc pas à comptabiliser le nombre de rounds qui se sont écoulé !
Cas particulier – petites et grandes pièces
Cette règle des 10 minutes pour une pièce est valable pour une pièce « standard » d’un donjon, de 15 mètres sur 15 mètres. Pour une pièce plus grande, vous pouvez considérer que chaque personnage peut fouiller cette surface. Si la pièce est vraiment petite, vous pouvez considérer que leur exploration ne demande pas de temps, ou que deux pièces peuvent être explorées en 10 minutes.
Le temps qui passe
Lorsque le nombre de jeton atteint six, une heure de temps a passé et il se passe quelque chose. Le maître de jeu lance alors 1d20, la probabilité qu’il se passe quelque chose dépend alors de la couleur des jetons présents dans la réserve (voir niveau d’alerte plus loin) et du niveau de dangerosité du donjon. S’il y a des jetons de plusieurs couleurs, il lance le dé correspondant au niveau d’alerte actuel. Une fois le dé lancé, les jetons sont enlevés de la réserve.
En fonction du résultat du dé, il se passe quelque chose. La table est découpée en trois niveaux, les niveaux de dangerosité :
- Faible : donjon mineur, ou faiblement peuplé.
- Moyen : donjon standard
- Elevé : donjon principal, fortement peuplé, ou situé dans une zone très dangereuse
Note : Ces valeurs sont indicatives et vous pouvez utiliser les vôtres, voire considérer qu’à partir d’un certain niveau la probabilité est tout simplement de 100% !
| Niv alerte | Jetons | Faible | Moyen | Elevé |
|---|---|---|---|---|
| 1 | Vert | 1 | 1-2 | 1-4 |
| 2 | Bleu | 1-2 | 1-4 | 1-6 |
| 3 | Jaune | 1-4 | 1-6 | 1-10 |
| 4 | Rouge | 1-8 | 1-10 | 1-12 |
Niveau d’alerte
Chaque donjon est caractérisé par un niveau d’alerte. Ce niveau représente l’état de préparation des habitants du donjon, et leur conscience ou non de la présence d’intrus ayant pénétré dans leur antre. Il est modélisé grâce à la couleur des jetons ajoutés dans la réserve de temps. Par défaut, vert pour le niveau 1, bleu pour le niveau 2, jaune pour le niveau 3 et rouge pour le niveau 4, mais vous pouvez utiliser n’importe qu’elle couleur.
Ci-dessous la description des différents niveaux :
- Niveau 1 : niveau bas d’alerte d’un donjon, souvent le niveau de départ de tous les donjons. Les monstres ne sont pas particulièrement sur le qui-vive. Les sentinelles ne font pas de zèle, et personne n’est vraiment prêt à accueillir une opposition armée conséquente. Les valeurs de Perception Passive des habitants du donjon sont diminuées de 5, sauf cas particulier (sentinelle active…).
- Niveau 2 : niveau d’alerte normal. Ce niveau peut être le niveau de départ d’un donjon lorsque ses habitants savent que les aventuriers vont arriver, par exemple s’ils les ont attiré ou si une patrouille les a repéré en amont. La Perception Passive des habitants du donjon n’est pas affectée.
- Niveau 3 : niveau d’alerte élevé. Ce niveau est atteint lorsque la menace se précise et devient sérieuse. Les habitants du donjon sont sur le qui-vive. Les valeurs de Perception Passive des habitants du donjon sont augmentées de 5.
- Niveau 4 : alerte rouge ! La menace est mortelle pour la survie même du donjon. Tous ses occupants sont sur les dents et prêts à affronter les aventuriers en leur tendant des embuscades ou en se regroupant pour les vaincre. Les valeurs de Perception Passive des habitants du donjon sont augmentées de 5.
Les niveaux évoluent de la manière suivante. Attention, chaque cas ne provoque une augmentation du niveau qu’une seule fois :
- +1 niveau : Les aventuriers font du bruit. Par exemple, les aventuriers déclenchent une alarme, ou encore un combat violent a lieu, avec utilisation de magie ou échange de coups bruyants. Si les aventuriers se débarrassent rapidement de l’adversité en essayant d’éviter de faire du bruit, le niveau ne devrait pas augmenter pour encourager les tactiques furtives.
- +1 niveau : Une sentinelle ou un monstre parvient à s’enfuir pour prévenir le reste des habitants du donjon.
- +1 niveau : Les aventuriers ont nettoyé la moitié du donjon. Même s’ils ont été très discrets et habile, l’écologie du donjon a suffisamment évolué pour que les habitants se doutent qu’il se passe quelque chose.
Ainsi, un donjon passera au niveau d’alerte 4 si les aventuriers ont été bruyant, laissé échapper un monstre qui a donné l’alerte et avancé profondément dans le donjon, menaçant tout son écosystème.
C’est bien joli tout çà, mais que se passe-t-il ?
Le plus simple est de lancer les dés sur les tables de rencontre aléatoire fournies dans beaucoup d’aventures si quelque chose qui passe. Mais vous ne devriez pas vous limiter uniquement à cette solution, et envisager le donjon comme un organisme vivant. Quelques idées :
- Une patrouille rentre de son tour de garde. En plus de menacer les arrières des personnages, ses membres risquent de donner l’alerte…
- Le boss de fin lance un rituel puissant lui permettant d’invoquer un terrible démon. Si les personnages ne se dépêchent pas, ils risquent de se retrouver devant une adversité encore plus grande.
- Les habitants du donjon ont le temps de tendre une embuscade, ou d’encercler la pièce dans laquelle se trouvent les personnages.
Parfois il peut juste suffire de dire avec un air énigmatique sur le visage : « Vous entendez un tremblement sourd et puissant qui semble jaillir des entrailles même de la terre. » pour créer l’incertitude chez les joueurs.
L’idée n’est pas forcément de provoquer une rencontre, il y en a souvent bien assez dans un donjon, mais bien que les joueurs se rendent compte que le temps passe, et ainsi les encourager à ne pas perdre de temps car cela pourrait leur être préjudiciable. En résumé, créer un sentiment d’urgence, et redonner au temps la place qu’il mérite.
Passage du temps et repos
Comme indiqué en préambule, les joueurs ont tendance à vouloir faire des repos, courts ou longs, pour recharger les capacités de leurs personnages. Cette attitude est tout à fait naturelle. Ci-dessous quelques règles pour gérer le cas particulier des repos.
- Repos court : Un repos court dure 1 heure. Il se passe donc obligatoirement quelque chose et une heure passe. Si une rencontre a lieu, le repos court est interrompu par la rencontre et se termine une fois la rencontre résolue.
- Repos long : Un repos long n’est tout simplement pas possible dans un donjon, sauf à utiliser des moyens magiques puissants. La zone est trop dangereuse pour pouvoir se reposer efficacement, sauf si le donjon a été nettoyé au préalable. Il est tout à fait possible de sortir du donjon pour effectuer un repos long dans un endroit plus sûr. Dans ce cas le niveau d’alerte du donjon baisse de 1 niveau toutes les 24 heures. Cependant, il ne peut pas revenir à 1, tant qu’une semaine complète ne s’est pas écoulé, le temps que le souvenir de la dernière attaque se soit effacé…
Cas particulier – les méga-donjons
Parfois les personnages se lancent dans l’exploration de structures tentaculaires et énormes, demandant des explorations au long cours. Dans ce cas, interdire l’utilisation de repos long risque d’être punitif. Souvent ces structures sont découpées en niveaux, ou en zones. Dans ce cas, chaque niveau, ou chaque zone, est traité comme un donjon individuel avec son propre niveau d’alerte. Ainsi lorsqu’un niveau ou une zone est nettoyé, les personnages peuvent effectuer des repos longs.
Passage du temps et rythme de déplacement
Le Manuel du Joueur indique des rythmes de déplacement par minute. Ne vous en souciez tout simplement pas ! Si les personnages veulent aller vite, alors ils passeront de pièces en pièces en comptant sur leurs valeurs passives de compétence, au risque de passer à côté de quelque chose. Mais peut-être n’auront-ils pas le choix s’ils doivent sauver la pauvre princesse en détresse !
A l’inverse, s’ils veulent prendre leur temps, alors ils pourront multiplier les tests dans une pièce pour être sûr d’avoir tout passé au peigne fin. Mais dans ce cas, ils devront subir les conséquences potentielles d’une perte de temps !
Rappel et précisions sur les tests
Tests passifs (MdJ p175)
Dans le but d’accélérer le jeu, D&D 5ème édition introduit la notion de tests passifs. Le manuel indique que ce type de test peut représenter un résultat moyen obtenu pour une tâche répétitive, comme chercher des portes secrètes de manières répétées, ou peut être utilisé par le MD pour déterminer si les personnages réussissent quelque chose comme repérer un monstre caché. Il est fortement recommandé d’utiliser abondamment les valeurs passives pour limiter le nombre de lancer de dés lors de l’exploration d’un donjon.
Le résultat sur un tel test est égal à 10 + tous les modificateurs qui s’appliquent normalement au test. On ajoute 5 à cette valeur en cas d’avantage, et 5 en cas de désavantage.
Cas concrets
Il apparait que ce concept de tests passifs reste très sujet à interprétation. Pour ma part, je retiens que l’un des intérêts principaux est de réduire le nombre de jets de dés, notamment dans les phases d’exploration de donjons qui nous intéressent particulièrement. On peut trouver quelques indications complémentaires dans les différents manuels.
- Détecter un piège (GM p121) : Il est indiqué que les personnages peuvent repérer un piège grâce à un test de Perception passive en passant à côté.
- Détecter une porte secrète (GM p103) : Encore une fois, un test de Perception passive suffit pour qu’un personnage puisse remarquer une porte dérobée.
- Repérer des menaces (GM p182) : Là aussi un test de Perception passive permet de repérer une menace cachée.
- Se cacher (MdJ p177) : Si quelqu’un ne vous chercher pas activement, alors votre jet de Discrétion est opposé à la Perception passive de vos opposants, et vice-versa dans la situation inverse.
- Trouver un objet caché (MdJ p178) : Pour le coup, les règles sont claires à ce sujet. Il faut chercher activement et au bon endroit pour trouver un objet caché. Donc dans ce cas précis, le test passif n’est pas adapté, et il conviendra d’effectuer un test d’Investigation.
Comme vous le voyez, les exemples tournent principalement autour de la Perception.
Cependant d’autres compétences peuvent être utilisées en mode passif. Dans ce cas, on considère que la valeur passive de la compétence, représente les connaissances générales dont dispose le personnage. Ces compétences sont :
- Arcanes : Un test passif peut permettre d’identifier un élémentaire, un symbole ésotérique, ou une créature extra-planaire.
- Histoire : Un test passif permet d’interpréter une scène historique sur un bas-relief, ou d’identifier que des inscriptions à moitié effacée appartiennent à une antique civilisation perdue.
- Religion : Un test passif peut permettre d’identifier un symbole religieux, une secte ou un culte grâce à des indices disséminés dans une pièce.
- Nature : Un test passif peut permettre d’identifier une plante et ses effets, de connaître les forces et faiblesses d’un animal.
- Outils de maçon : Si vous maîtrisez ces outils, la valeur passive peut vous permettre d’identifier un type de construction particulier, ou un détail étrange dans l’agencement d’une pièce.
La liste est non exhaustive, mais l’idée est simple. Lorsque les personnages pénètrent dans une salle, leurs connaissances de base et leur maîtrise d’un outil leur permet de remarquer certains détails sans avoir à agir activement.
Il sera toujours possible pour un personnage d’effectuer un test actif, mais dans ce cas le temps passe, et un jeton est ajouté à la réserve de temps.
Cas concret : Les personnages entrent dans une salle au centre de laquelle trône deux statues, l’une représentant une femme jeune, l’autre une femme plus âgée qui se tournent le dos en levant les mains vers le ciel. L’identification de ses statues est importante pour la suite de l’aventure, les statues représentant deux déités anciennes représentant l’aube et le crépuscule. Le DD de réussite du test de Religion est fixé à 15. Si la valeur passive d’un clerc pénétrant dans la pièce est de 16, la représentation lui parle immédiatement. Il sait de par son éducation et ses souvenirs ce que représentent les deux statues et la symbolique qu’elle représente. S’il a seulement 14, alors il ne se souvient pas, bien qu’il se doute de quelque chose. Il peut alors effectuer un test actif pour chercher des indices, des inscriptions, des détails qui pourraient réactiver sa mémoire. Malheureusement cette recherche est plus longue, et il se passe 10 minutes. Au final, avoir une valeur élevée dans une compétence « secondaire » peut s’avérer très utile !
Travailler ensemble (MdJ p175)
Cette option permet lorsqu’au moins 2 PJ effectuent la même action. Elle permet d’obtenir un avantage. Il peut être très important pour les personnages de l’utiliser.
Reprenons l’exemple ci-dessus. La barde du groupe a aussi quelques connaissances en religion. Elle se joint alors au clerc pour essayer d’en apprendre plus. Deux options s’offrent alors au MD. La valeur passive du clerc augmente de 5, donc 19 par exemple, ce qui est suffisant pour réussir le test. Les échanges avec la barde lui ont permis de réactiver sa mémoire. Ou vous pouvez demander un jet actif avec avantage, notamment si la difficulté est encore supérieure.
Quoiqu’il en soit, le temps passe et un jeton est ajouté à la réserve de temps.
Répéter un test
En règle générale, je préfère éviter de permettre de répéter un test à un même personnage ou groupe de personnage. Un personnage qui a fouillé un endroit et n’a rien trouvé ne réussira pas mieux s’il recommence, sauf si par exemple quelqu’un vient l’aider dans cette tâche.
Tests de groupe
Ce type de test permet de compenser les éventuelles faiblesses d’un personnage en se basant sur les résultats du groupe à un même test. Si au moins la moitié des tests sont réussis, alors le test est réussi. Personnellement, je recommande d’utiliser ce type de test assez régulièrement, notamment si les personnages essaient de se déplacer en groupe furtivement. Il peut être en effet frustrant que le nain pataud du groupe provoque régulièrement l’échec d’une tentative de se déplacer en silence, impliquant qu’il soit toujours relégué loin derrière le reste du groupe…
L’utilisation dans ce cas du test de groupe permet au roublard furtif de compenser la faiblesse de son compagnon en l’aidant à se déplacer en silence, et, qui sait, un jour lui sauver la mise !